Comme si les Etats-Unis n'avaient pas assez de problèmes en Irak, voilà que se profile maintenant la possibilité d'une attaque d'envergure de l'armée turque sur le Nord du pays afin de chasser les combattants du PKK de leur sanctuaire.
Dimanche dernier, les rebelles kurdes avaient monté une embuscade qui s'est soldée par la mort de 15 soldats turcs et la capture de huit autres. C'est plus qu'il n'en fallait pour exacerber le ressentiment de l'armée et du peuple turcs qui réclament maintenant une intervention énergique.
On comprend l'embarras du gouvernement de Bagdad sur lequel Ankara exerce sa pression ainsi que sur les Etats-Unis pour qu'ils mettent un terme à l'activité du PKK dans le Turkistan irakien et que ses combattants soient expulsés.
Situation difficile quand on sait que cette région jouit d'une très large autonomie, qu' elle est la seule qui reste relativement calme et que le président de l'etat irakien est lui-même kurde.
Le gouvernement irakien ne peut pas se payer le luxe d'une crise avec la Turquie, d'un nouveau conflit et d'un nouveau front.
Les USA ne peuvent se permettre de se brouiller avec leurs alliés turcs qui sont membres de l'OTAN, et l'un des très rares pays à majorité
musulmane à se proclamer laïc malgré la preponderance croissante des
fondamentalistes et qui ont très mal vécu un vote du Congrès américain
appelant à reconnaitre le génocide arménien.
Mais qui est ce PKK et que représente-t-il ?
Souvenons nous que le peuple kurde qui vivait groupé jusqu'au17ème siècle à l'intérieur de l'Empire Ottoman est écartelé depuis les années 1920 entre la Turquie, l'Iran, l'Irak et la Syrie.
Apres la première guerre mondiale les Français et les Britanniques ont dépecé l'empire turc vaincu et remodelé la carte du Moyen-Orient;
MM Sykes et Picot qui ont dessiné les frontières des nouveaux Etats, aveuglés par les problèmes de pétrole, par leurs intérets nationaux et la nécessité de récompenser les cheikhs arabes qui les avaient soutenus pendant la guerre et auxquels il fallait donner des trônes, ont complètement occulté les droits des kurdes.
Dans les années vingt, on a créé de toutes pieces un Etat irakien
en réunissant artificiellement des populations et des provinces qui n'avaient rien de commun entre elles sinon leur appartenance à l'islam et la richesse de leur sous-sol en hydrocarbures et le seul peuple qui aurait dû bénéficier d'un Etat cohérent n'a pas été entendu. .
Après la chute de Saddam Hussein, qui les avait asservis et souvent massacrés, les Kurdes d'Irak ont gagné avec l'aide des Américains
une quasi-indépendance à l'intérieur de l'Etat irakien, ce qui ne peut
qu'attiser les rancoeurs et les envies de leurs frères de Turquie, d'Iran et
de Syrie.
En Turquie, ils sont 20 millions environ le quart de la population.
Bien qu'ils aient actuellement 20 députés au parlement groupés sous la
bannière du DTP, leur organisation politique, ils ne bénéficient nullement des droits des minorités, de la reconnaissance de leur personnalité au sein de la nation et de leur langue le kumaci .
Le PKK fondé en 1978 par Abdullan Oçalan, aujourd'hui emprisonné à vie après avoir été condamné à la peine de mort, est passé à l'action violente multipliant les attentats et les embuscades.
Sous les pressions américaines et irakiennes, Il vient de proclamer qu'il est prêt aujourd'hui à un arrêt des hostilités.
Une offre que le gouvernement turc a rejeté. L'essentiel pour lui, s'il ne
veut pas perdre la face est dans l'immédiat la récupération de ses huit
captifs.
L'Administration américaine a tout intérêt de calmer la situation, obtenir par la négociation le retour des soldats turcs retenus par le PKK, et un retour au calme sur la frontière. Elle s'y emploie certainement.
Mais même si elle y arrive, cela ne résoudra pas le problème de fond, remis à l'ordre du jour par l'émergence en Irak d'une entité kurde quasi-indépendante. Il ne peut être résolu que par une négociation nationale, en Turquie même et internationale.