H2)De la fermeture des Tokugawa (1615) à la Première Guerre Mondiale (1914) A la fin des guerres internes, et dès la montée de la dynastie des Tokugawa en tant que shoguns, la chute de la présence occidentale au Japon s'accéléra..
Les Tokugawa choisirent rapidement entre les puissances européennes, un partenaire unique pour commercer avec l'Occident. Le danger que représentait le christianisme romain, l'intérêt du commerce avec Amsterdam et la présence hollandaise aux côtés du
Bakufu (gouvernement militaire) décidèrent le Shogunat dans leur quête d'un allié commercial unique, qui fut, fort logiquement, les Provinces-Unies, nation n'ayant jamais tenté d'évangéliser les Japonais.
Cette mesure de « quasi-fermeture » ne fut pas au goût de tout le monde, et certains (notamment une bonne part de seigneurs «
kirishitan ») s'opposèrent momentanément au Shogun et à son pouvoir, avant de devoir reconnaître
manu militari les décisions shogunales.
L'île de Dejima, près de Nagasaki Les Hollandais étaient donc « maîtres commerciaux du Japon », maîtres aux pouvoirs toutefois très limités.
En effet, les seuls contacts réels avec le Japon se faisaient par le seul port de Nagasaki. Et à contacts limités, ressources échangées limitées.
Cependant, les contacts Nippono-hollandais furent fructueux à d'autres égards que les buts strictement commerciaux. La Hollande apportait sa science , notamment en matière de médecine (
Rangaku), celle ci étant déjà l'une des plus pointues d'Europe. Mais aussi, des armes nouvelles comme le mortier. De plus, le Japon pouvait profiter de marchandises venues de l'empire commercial Néerlandais.
De son côté le Japon était une bonne base en vue d'un contrôle commercial des Indes pour les Hollandais et au dépend des Britanniques, Espagnols, Portugais et/ou des Français.
Exemple d'apports Hollandais au Japon
Mais même les Hollandais auront de moins en moins accès au Japon, et celui-ci entame dès 1639 une période de fermeture totale appelée
Sakoku (c'est-à-dire « pays fermé » ), période durant laquelle on estime qu'il n'y eu plus que 5 partenaires commerciaux avec le Japon: le peuple Ainou, la dynastie Coréenne de Joseon, le royaume de Ryukyu, et dans une moindre mesure la Chine et la V.O.C (Compagnie Hollandaise des Indes Orientales).
Jonque Chinoise sur les côtés japonaises, 1644 Mais, au milieu du XIXe siècle, les révoltes pour le retour d'un pouvoir impérial fort conjuguées à des pressions occidentales affaiblissent le pouvoir shogunal. Le 31 Mars 1854, la « Flotte Noire » du Commodore Perry, commandant de l'US Navy, force la main du
Bakufu qui est obligé d'ouvrir la plupart de ses ports.
Les Européens pouvant maintenant pénétrer sur l'Archipel et de nouvelles idées plus démocratiques font leur apparition chez les citoyens Japonais. 14 ans après, le
Tenno (c'est-à-dire, l'empereur), est rétabli en la personne de Mutsu Hito.
A partir de là, le Japon va connaître une industrialisation très rapide. Les anciennes familles nobles de l'époque sont littéralement passionnées par l'Occident, on est donc très loin du dédain qu'éprouvaient leurs aïeuls pour les
Nanban et les
Komo.
Les fils de puissants
daimyos ou de riches
samourais vont faire leurs études à Londres, Paris et Berlin. La Sorbonne ou Oxford voient donc affluer la jeunesse dorée japonaise; future élite de l'Archipel.
Une fois rentrés au pays, ces jeunes diplômés apportent dans leurs valises les connaissances occidentales, et, au-delà, les nouvelles doctrines économiques, comme le libéralisme ou le capitalisme.
Ils s'inspirent des Konzerns allemandes, et créent les premières Zaibatsus, qui sont aujourd'hui devenu des entreprises mondialement connues, comme Mitsubishi, Nissan ou Toshiba.
Siège d'une Zaibatsu à Marunochi, le quartier économique de Tokyo. En 1914, le Japon participe à la Première Guerre Mondiale du côté Allié. Cela lui permit d'obtenir, sans protestations européenne ou étasunienne le comptoir allemand de Qingdao (en Chine) et les îles micronésiennes possédées par l'Allemagne.
L2)Du début du bakufu Tokugawa (1615) aux années 20. De par sa fermeture vis-à-vis des Européens, le shogunat des Tokugawa fut assez pauvre en contacts entre les cultures nippones et occidentales, et donc, il n y eut que très peu d'influence entre les deux littératures.
En effet, la littérature japonaise des XVIIIe et XVIIIe siècles est bien plus influencée par son voisin chinois, que par les lointains Européens. Quelques exceptions subsistent comme Hiraga Gennai, qui se caractérise par un attrait pour la science et la culture hollandaise, ceci état observable dans
l'Histoire galante de Shikoden en 1763; c'est une histoire en prose où l'auteur expose un point de vue railleur de la société de son époque.
Estampe représentant Hiraga Gennai (1728-1780) Il faudra logiquement attendre la restauration Meiji pour rencontrer une influence occidentale dans la littérature japonaise. Les premières réactions au retour occidental dans l'Archipel son teintées d'une certaine ironie, comme dans le
Un Tour pédestre de l'Occident publié dans les années 1870 dans lequel l'auteur Kanagaki Robun se moque des moeurs nouvellement occidentalisée de ses compatriotes, ou bien comme Soseki Natsume qui analyse avec justesse les comportements des Japonais de l'ère Meiji dans
Je suis un Chat (1905-1906) ou encore dans
Botchan (1906)
Soseki Natsume (1867-1916) Mais la vraie littérature inspirée d'Occidentaux naîtra bien plus tard. Elle est issue des traductions en japonais de Robinson Crusoé (de Daniel Defoe), des Voyages Extraordinaires (Jules Verne) ou, plus exotiques, des Mille et une Nuits mais aussi des romans historiques de Walter Scott, des oeuvres de Shakespeare ou de Rousseau, ou bien encore la traduction de romans de l'Angleterre victorienne.
Cette vague a pour noms Nagai Kafu auteur de
Fleur d'Enfer (1902) , Shimazaki Toson, auteur de
La Transgression (1906), ou encore Tayama Katai auteur du roman,
Futon (1907), tous trois naturalistes.
Tayama Katai (1872-1930) La poésie, elle aussi, s'adapte, libérant les auteurs japonais du carcan des
haikai et des
waka, transformation réalisée en premier lieu avec la traduction de Baudelaire, de Verlaine ou d'autres « modernes » français par Ueda Bin.
Suivront les vers de Nagai Kafu (
Sangoshu, publié en 1913) mais surtout ceux d'Ishikawa Takuboku qui dans
Yobiko to kuchibue, publié en 1912 chante les révolutionnaires Russes.
Ueda Bin (1874-1916) Justement, en 1911 est déclaré la fin de l'ère Meiji et la naissance de l'ère Taisho, c'est à cette époque que les courants anarchistes ou communistes japonais commencent à naître. Et c'est cette même année que Shusui Kotoku, anarchiste mais surtout homme de lettre, est exécuté pour « haute-trahison et complot contre la personne de l'Empereur. » Kotoku avait été en effet nourri aux idées anarchistes russes, comme celle de Kropotkine.
Dès lors, des auteurs comme se mobilisent en faveur de Kotoku, comme Nagai ou Ishikawa.
Shusui Kotoku (1871-1911) Des écrivains plus occidentalisés encore arriveront par la suite. Tel Ogai Mori, grand lecteur de classiques néerlandais, allemands ou italiens, traducteur d'Andersen en japonais et auteur de
L'Oie Sauvage écrit entre 1911 et 1913; ou bien Roka Tokutomi (qui correspond avec Tolstoï et traduit les oeuvres de l'auteur russe, en Japonais.) Roka est auteur de quelques romans, mais surtout d'un discours contre l'exécution des anarchistes (comme Shusui Kotoku.)
Ogai Mori (1862-1922) Mais bientôt va se poser un problème « d'identité nationale » et des auteurs comme Ogai vont radicalement changer de style pour retourner à nouveau dans un genre plus traditionnel, moins européen, plus japonais. Et surtout, ce nouveau genre est réalisé dans un cadre résolument antinaturaliste (le
Vita sexualis de Ogai, publié en 1909, est le phare de cet antinaturalisme.)
Ils vont s'opposer au groupe de
Shirakaba (Le Bouleau Blanc) qui s'ouvre à la fois aux arts occidentaux (Whitman, Ibsen, Strindberg en littérature; Rodin en sculpture, par exemple) sans négliger l'art extrême-oriental. Parmi les figures de proue de ce courant, on peut citer Shiga Naoya, auteur d'ouvrages comme
Seibei et ses gourdes (1913)
On peut également noter la naissance de plusieurs courants mineurs, qui se veulent en marge de
Shirakaba ou des courants traditionalistes. Notamment une vague de littérature populaire et prolétarienne, due à la Révolution d'Octobre.
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En Europe, la fin du XIX° siècle voit la naissance du japonisme, particulièrement en peinture et arts picturaux divers. Le japonisme a surtout un grand écho en France, où des artistes comme Van Gogh ou Toulouse-Lautrec sont fortement influencés par le mythe exotique du Japon, pays mystérieux.
Ainsi, on verra Van Gogh copier des images d'Hokusai et Toulouse-Lautrec s'imaginer des geishas.
Les Pruniers en fleurs, Van Gogh, 1887 (à droite)
Les Cerisiers, Hokusai, estampe (à gauche)
En littérature, c'est surtout dans l'anglo-japonisme que l'on retrouve cette influence nippone avec Oscar Wilde dans « le Déclin du Mensonge » publié dans
Intentions en 1891, et dans les poèmes de Dante Gabriel Rossetti. Exception française, Pierre Loti, qui publie en 1887
Madame Chrysanthème, et, deux ans plus tard
Japoneries d'automne. Pierre Loti, en 1892 Dante Gabriel Rossetti, en 1847